Monter ; descendre ; monter

 

« Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux ». Voilà qui devait être spectaculaire et ô combien impressionnant. Pierre va jusqu’à dire : « Il est heureux que nous soyons ici ». Il faudra pourtant redescendre de la montagne, passer par la Passion ô combien déroutante, pour contempler à nouveau Jésus dans l’éclat de sa résurrection et le voir s’élever lors de son ascension. « Quand j’aurai été élevé de terre, a-t-il affirmé, j’attirerai à moi tous les hommes ». Nous sommes donc faits pour les cimes. Nous serions portés à nous auto-stimuler : « Soyons forts ; gravissons les sentiers ardus ; montons, montons … Ainsi, avec Jésus, nous serons sur la montagne où il fait si bon demeurer ». Attention ! Tenir un tel discours serait faire fi du paradoxe de l’Evangile : « Celui qui veut être grand, qu’il se fasse tout-petit ». Il n’est nullement dit que les trois apôtres ont gravi le Thabor de leur propre initiative. C’est Jésus qui les y emmène. La carême attise en nous les plus beaux désirs de conversion, ravive nos aspirations à plus d’altitude et d’air pur dans nos vies. Mais avancer orgueilleusement, à coups de défis ascétiques à relever, ne nous mènera jamais jusqu’au sommet de la sainteté. En fait, il faut descendre … oui descendre avec beaucoup d’humilité, pour que Jésus puisse nous emmener, au terme de notre pèlerinage terrestre, jusqu’à la montagne éternelle.

 

Vous le savez : ce week-end, je suis en pèlerinage avec nos servants d’autel. Je les emmène sur une montagne (une petite colline) près de la « Sœur universelle », la petite Thérèse de l’Enfant-Jésus. Ceux parmi vous qui sont allés à Lisieux savent qu’il faut monter (un peu) pour se rendre à la basilique … et qu’il faut descendre (un peu) pour aller prier près de la petite Thérèse en son Carmel. Géographiquement l’itinéraire de sainteté qu’elle nous propose est donc bien planté. Ecoutons-la : « Vous le savez, ma Mère, j’ai toujours désiré d’être une sainte, mais hélas ! j’ai toujours constaté, lorsque je me suis comparée aux saints, qu’il y a entre eux et moi la même différence qui existe entre une montagne dont le sommet se perd dans les cieux et le grain de sable obscur foulé sous les pieds des passants ; au lieu de me décourager, je me suis dit : le Bon Dieu ne saurait inspirer des désirs irréalisables, je puis donc malgré ma petitesse aspirer à la sainteté ; me grandir, c’est impossible, je dois me supporter telle que je suis avec toutes mes imperfections ; mais je veux chercher le moyen d’aller au Ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle. Nous sommes dans un siècle d’inventions maintenant ce n’est plus la peine de gravir les marches d’un escalier, chez les riches un ascenseur le remplace avantageusement. Moi je voudrais aussi trouver un ascenseur pour m’élever jusqu’à Jésus, car je suis trop petite pour monter le rude escalier de la perfection. Alors j’ai recherché dans les livres saints l’indication de l’ascenseur, objet de mon désir et j’ai lu ces mots sortis de la bouche de la Sagesse Eternelle : Si quelqu’un est TOUT PETIT qu’il vienne à moi » (Pr9,4). Alors je suis venue, devinant que j’avais trouvé ce que je cherchais et voulant savoir, ô mon Dieu ! ce que vous feriez au tout petit qui répondrait à votre appel j’ai continué mes recherches et voici ce que j’ai trouvé : « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux ! » (Is 66,12-13) Ah ! jamais paroles plus tendres, plus mélodieuses, ne sont venues réjouir mon âme, l’ascenseur qui doit m’élever jusqu’au Ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! Pour cela je n’ai pas besoin de grandir, au contraire il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus. O mon Dieu, vous avez dépassé mon attente et moi je veux « chanter vos miséricordes. (Ps 89,2) » (Ms C, 3r)


Père Gilles Morin

Curé