Pitié pour le pauvre Lazare

 

Le contraste saute aux yeux : un riche et un pauvre ; d’un côté, un homme aux vêtements de luxe, festoyant au quotidien ; et de l’autre, un miséreux affamé, couvert de plaies, couché devant un portail, dont seuls les chiens semblent avoir pitié.

 

Nous connaissons bien cette parabole qui a livré le même message à toute les époques. Rappelons-nous ce témoignage de l’abbé Pierre qui, durant la période d’après guerre, se fit mendiant pour secourir les pauvres. Des heures durant, devant un restaurant de luxe, il tendit son béret aux riches qui venaient festoyer. Il aurait bien voulu que ces fortunés lui glissent une pièce, voire un peu plus … ne serait-ce que le dixième de ce qu’ils allaient futilement dilapider … mais personne ne lui donnait rien. Ce fut finalement un mendiant en guenilles qui, l’apercevant de l’autre côté de la rue, vint déposer dans le béret de ce prêtre ensoutané les quelques pièces qu’il avait récoltées.

 

Ouvrons les yeux et nous verrons combien cette parabole du riche et du pauvre Lazare reste d’une étonnante actualité. N’avez-vous jamais vu de ceux qu’on appelle  » S.D.F », parfois encore jeunes, assis devant un monoprix avec leur chien pour seul compagnon, et nous tendant la main sans se faire trop d’illusions ? N’avez-vous jamais remarqué des hommes, des femmes, parfois même des enfants, fouillant les poubelles … nos poubelles, pour y dénicher quelque nourriture ou tout autres choses pouvant être utiles ou monnayées ? Voilà qui devrait nous ouvrir les yeux sur nos gaspillages dans une société du tout jetable. Voilà également qui devrait toucher nos cœurs et nous conduire, non sans discernement, à partager avec ardeur et sans peur. Tout l’Evangile nous montre Jésus cherchant le pauvre pour le soulager et l’aimer. Notre vie, parfois, nous montre tout l’inverse … entre autre notre art de l’esquive pour ne pas être importuné par les « Lazare » d’aujourd’hui. Nous sommes chrétiens, n’est-ce pas ? Alors nous ne voulons ni les agresser, ni les insulter, ni les repousser. Que faisons-nous pour les esquiver ? Les techniques subtiles abondent et nous les connaissons bien : changement de trottoir, accélération du pas avec l’air d’être très pressés, tête baissée comme si nous étions très préoccupés, etc … Mais le pauvre, lui, est bel et bien là. Il est là non seulement sous la forme d’un « S.D.F », mais il est peut-être là à ma porte, sur mon palier, dans mon immeuble, dans mon milieu scolaire ou professionnel. Il est là, pauvre non seulement matériellement et financièrement, mais aussi affectivement, psychologiquement et spirituellement.   « Les pauvres, nous dit Jésus, vous en aurez toujours parmi vous » … C’est tellement vrai ; ils sont là, mais nous ne les voyons pas toujours, sans doute parce que nous ne les cherchons pas suffisamment.

 

La parabole de ce dimanche est claire et nous renvoie à une réalité incontournable. Nous mourrons, un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre. Il nous faudrait y penser un peu plus souvent pour donner davantage de consistance à nos vies. Nous serons jugés sur la Charité, une charité en acte … et nous le savons fort bien. Nous, nous en sommes convaincus. Alors, pitié pour les Lazare d’aujourd’hui.

 

Père Gilles Morin

Curé