Tous talentueux

 

Il était doté d’une belle intelligence ; il avait vraiment un esprit brillant. C’était un ingénieur à la retraite, ayant à son acquis de grandes réalisations. Il me fascinait tant par l’ampleur de sa culture que par sa générosité et sa simplicité. Il venait chez nous chaque semaine, dans notre pauvre petit appartement de deux pièces et demi. Il était là pour moi qui préférais les jeux du patro aux livres et cahiers d’école. J’avais pourtant des facilités pour les études ; je ne manquais pas de talents mais je les laissais sommeiller ; je préférais jouer. Cet homme venait donc à la maison chaque semaine pour me faire travailler en mathématiques et en bien d’autres matières. Le contraste était alors patent : j’avais des talents, je les laissais végéter ; il avait des talents, il les faisait fructifier. Je lui dois beaucoup. J’étais jeune prêtre quand je l’ai rencontré pour la dernière fois. C’était alors un vieil homme de 90 ans, mais à l’esprit encore alerte. Entrant chez lui, je le vis assis à son bureau à taper sur une machine à écrire qui me paraissait quelque peu bizarre.

– Que faites-vous ? lui demandai-je

– Ah! Gilles, je fais quelque chose de formidable. Je transcris en braille des ouvrages de mathématiques supérieures pour des étudiants aveugles. Et c’est merveilleux ; je pourrai faire cela jusqu’à ce que je sois complètement gâteux.

Voilà donc quelqu’un qui, jusqu’au bout, a su faire fructifier les talents que le Seigneur lui avait départis pour les mettre au service de ses frères.

 

Elle ne savait ni lire ni écrire. Elle vivait à Dédougou. C’était une « maman » une « mère de l’Eglise » comme on les appelle au Burkina Faso. C’était une femme vaillante dont « les mains travaillent avec entrain ». Sa cour était grande ouverte à tous. Elle y servait un bon dolo  (alcool de mil). Ô qu’il était bon ! Elle le faisait si bien. Elle avait ce talent … et cet autre plus précieux encore d’un grand cœur qui écoute, se laisse toucher et sait se mobiliser. Ses doigts s’ouvraient en faveur du pauvre, elle tendait la main aux malheureux. Elle aussi, jusqu’au bout.

 

Dimanche dernier, dans la perspective de l’Avent 2014, j’ai invité ceux qui le souhaitaient et le pouvaient à s’impliquer de manière concrète dans cet événement missionnaire. Vous avez été plus de 80 à vous inscrire … et comme à vous avancer pour répondre « Me voici ». Quels que soient votre âge, votre niveau culturel et votre milieu social, vous savez que vous avez des talents … multiples, diversifiés, extrêmement variés. Oui, tous, vous êtes talentueux. Certes, vous n’êtes pas tous de brillants ingénieurs ; vous n’êtes pas tous à même de distiller un bon alcool … mais tous, vous avez des talents, et vous savez que vous avez le devoir de les faire fructifier. C’est un incontournable si nous voulons entendre le Seigneur nous dire : « Très bien, serviteur bon et fidèle »… Et nous voulons l’entendre, n’est-ce pas ?

 

Père Gilles Morin, curé