Grande retraite pour mener le bon combat

Chaque année, durant 7 jours, je me retire à l’écart dans un centre spirituel pour y effectuer ma retraite. C’est en quelque sorte comme si j’allais au désert, poussé par l’Esprit. Je n’y suis pas seul. Je vis ce temps privilégié en compagnie d’autres Pères et Frères de ma Congrégation. En dehors de la messe et des différents offices liturgiques que nous célébrons en commun, le silence est de rigueur. Nous nous efforçons de raviver notre intimité avec le Seigneur. Sans rien dire, nous sommes là, les uns avec les autres, dans le seul à seul avec Dieu qui nous unit et resserre nos liens de fraternité et de charité. Cette retraite, nous la vivons en nous portant les uns les autres. J’admire ces religieux, tout près de moi, des jeunes et des moins jeunes, et peut-être plus encore nos Frères âgés, qui sont là, comme moi, pauvres pécheurs devant le Seigneur et mendiants de la grâce de Dieu. Quelle source de bénédictions !

Chaque année, durant quarante jours, c’est tout le peuple des chrétiens qui entre comme en grande retraite pour se recentrer sur l’essentiel. Ce sont tous les baptisés qui, non point en solitaires mais les uns avec les autres, marchent humblement et courageusement sur le chemin de la conversion. Nous nous portons mutuellement ; nous combattons ensemble. Qu’il est beau de voir des jeunes et des moins jeunes, y compris les plus âgés, se livrer à un redoublement de vie de prière, de pénitence et de partage. Voilà qui nous bouscule et nous entraîne. Quelle force pour nous et quelle source de bénédictions !

Attention ! il faut le redire : le désert ne doit pas être le lieu de la fuite et du refuge ; c’est le lieu de la rencontre… le lieu de la rencontre avec Dieu mais où Satan s’invite inéluctablement pour multiplier sournoisement ses attaques.  Il était là au jardin d’Eden ; il est tout autant le tentateur du Christ au désert. L’image du serpent est particulièrement adaptée pour le représenter. Il est comme le céraste, cette vipère à cornes que l’on trouve dans le Sahara et au Moyen-Orient. La couleur de sa peau se confond avec celle du sable, et lui permet ainsi de passer inaperçu. Sa morsure est venimeuse. Et Satan veut vraiment distiller le poison dans nos âmes. En toute retraite, nous sommes donc appelés à livrer le combat le plus crucial. L’enjeu n’est autre que celui de la vie ou de la mort. Dans ces quarante jours de carême, nous serons particulièrement en présence de Dieu qui ne nous veut que du bien et de Satan qui ne nous veut que du mal. Nous serons avec Jésus notre ami le plus sûr et le plus fidèle, mais à devoir affronter notre adversaire le plus farouche et le plus redoutable.

Sur l’autel, pour la célébration de la messe, j’aime poser une croix que je garde ainsi sous les yeux. Elle comporte une médaille de saint Benoît où, parmi d’autres inscriptions, se trouvent ces quelques lettres : V R S N S M V. Ces sont les initiales de cette phrase : « Vade Retro Satana, Numquam Suade Mihi Vana » qui signifient : « Retire toi Satan, ne me conseille jamais tes vanités. » Les moines bénédictins ne se sont-ils pas retirés du monde pour prier au nom de toute l’humanité dans le « désert » de leur monastère ? Ils savent combien l’Adversaire et le Tentateur y est à l’œuvre et l’ampleur des combats qu’ils doivent livrer.

Jésus est là, toujours là. « Courage, nous dit-il, tu n’es pas seul ; l’Eglise lutte avec toi et est près de toi. Et moi, je suis là et je t’aime … je t’aime tellement. Courage, j’ai vaincu le monde. Je suis le Vivant à jamais. Tu ne pourras Vivre que si tu combats … avec moi, comme moi. »

Père Gilles Morin, curé